Dans la vie d’un patron d’entreprise, il y a parfois des exercices imposés. Prendre la parole en public, par exemple. Thierry Moiraud confie que ce n’est pas son “truc“. Pourtant, le 17 novembre, le président-directeur général (P.-D.G.) de la société DPMI (pour Découpe pliage mécano soudure industrie) à Marboz, a dû s’y coller. Le moment l’exigeait : il s’agissait de l’inauguration des nouveaux locaux (lire par ailleurs) dans la zone d’activités de Malaval.
L’ex-ouvrier, nanti de son seul CAP de chaudronnier, a évoqué cette nouvelle page de la vie de l’entreprise devant un parterre de personnalités, parmi lesquelles Mme la maire de la commune… son épouse !
Quarante ans de vie commune
Entre la société privée marbozienne et son dirigeant âgé de 56 ans, il y a quarante ans de vie commune et une belle histoire d’ascension sociale. L’intéressé le reconnaît : “ce type de parcours professionnel devient rare“. Fils d’un employé à la voirie communale et d’une mère au foyer, le Marbozien, cadet d’une fratrie de cinq enfants, a débarqué dans l’industrie locale grâce à son oncle, Daniel Perdrix.
Ce dernier était dirigeant, associé à Antoine Pujol, le fondateur historique de la société, alors implantée dans le hameau de Saint-Pierre, près du centre du village. La figure de ce “tonton”, grand gaillard vêtu du bleu de chauffe du matin au soir, a inspiré le jeune apprenti chaudronnier. “À cette époque, se souvient Thierry Moiraud, l’entreprise était sous-traitante de Berliet (aujourd’hui Renault-Trucks), de Berthoud à Villefranche-sur-Saône et d’un autre gros client devenu Algeco ensuite. Je travaillais dans l’atelier. On découpait, pliait et soudait des panneaux. Un travail effectué aujourd’hui par des machines-outils“.
Formé sur le tas
L’ex-ouvrier s’est adapté à l’évolution technologique depuis ses débuts professionnels. Il a été opérateur sur la première machine de découpe à commande numérique. “Sans les investissements de mes prédécesseurs dans du matériel performant, on n’en serait pas là“, considère-t-il dans une forme d’hommage à ses “patrons” visionnaires.
De l’atelier, Thierry Moiraud est passé au bureau technique où il a appris à établir les devis aux clients. Puis il a rejoint le service des achats, prédisposé par son aisance dans les relations commerciales et un sens de la négociation. Sa devise : “Si tu achètes bien, tu gagnes des sous” ! Tout ce qu’il a acquis sur la conduite d’une entreprise, l’actuel P.-D.G. de DPMI le doit à son apprentissage “sur le tas“, aux contacts de ses aînés, et non pas à l’école ou dans des instituts de formation pour cadres. “Ils m’ont appris à me lever tous les jours pour mener à bien ce que j’entreprends“.
À 6 heures, il est au travail
Et il embauche tôt le boss de DPMI. Son bureau est éclairé dès 6 heures le matin. Son tempérament de leader, Thierry Moiraud l’a affirmé dans le football, comme défenseur dans le club local, avant de le mettre en pratique dans l’entreprise. En 1999, il est entré au capital de la société, avec une part minoritaire. “Je voulais m’impliquer plus dans son fonctionnement“. Dominique Dubois, gendre d’Antoine Pujol, avait pris les rênes de l’entreprise, et l’un des fils du dirigeant historique, Frédéric, assurait la direction de l’atelier.
En 2008, le dirigeant en place avait ébauché le déménagement de l’usine sur le site de Malaval. Une crise financière a secoué l’économie mondiale, stoppant net ce projet. L’entreprise marbozienne a bien failli ne pas s’en relever. “On a connu deux années très difficiles avec une chute vertigineuse des commandes. Nous avons dû supprimer 10 postes de travail sur 25. Il y a eu des départs en retraites non remplacés, des licenciements“, évoque Thierry Moiraud. Ce dernier, à la faveur du départ de Dominique Dubois et d’une redistribution du capital, est devenu actionnaire majoritaire et P.-D.G. en 2013.
Comme Bernard Arnault mais sans son train de vie
Depuis dix ans, il dirige l’entreprise avec ses deux associés, Frédéric Pujol, directeur de la production, et Marie Debot, fille du précédent dirigeant et directrice administrative et financière. Le trio joue de ses compétences complémentaires. À Thierry revient la partie commerciale et la prospective. Conscient que DPMI ne peut pas rester seule dans son coin de Bresse, il l’a fait adhérer au réseau des acteurs de l’industrie du bassin burgien, Mécabourg. L’entreprise y a scellé des partenariats commerciaux. Et son P.-D.G. s’est engagé aux côtés de cinq autres sociétés dans le projet industriel Radior, le marque du vélo à assistance électrique “made in Ain”.
S’il partage avec Bernard Arnault, fondateur et P.-D.G. du groupe Louis Vuitton Moët Hennessy (LVMH), la particularité d’avoir gravi tous les échelons de l’entreprise depuis l’apprentissage, Thierry Moiraud mène, à l’inverse du milliardaire, une existence modeste. Le Marbozien n’a pas oublié ses origines.
Philippe Cornaton
Une nouvelle usine plus automatisée
Thierry Moiraud et ses associés ont reconstruit DPMI sur le site d’un ancien abattoir à volailles. À cette friche industrielle d’environ 1 500 m2, ils ont adossé 1 800 m2 de bâti en plus. Un investissement lourd, à près de 2,4 millions d’euros (M€), auquel il faut ajouter 2 M€ injectés dans le parc de machines. La société a bénéficié du plan de relance de l’État et d’un coup de pouce du Département pour son investissement immobilier. Le P.-D.G. et son directeur de production, Frédéric Pujol, ont repensé l’organisation de l’atelier avec un flux unique depuis l’entrée de la matière première jusqu’à la sortie des pièces. DPMI a accentué la production automatisée et numérisée. L’entreprise s’est dotée d’un imposant magasin de triage pour la gestion des plaques de métal. Ses 117 cassettes sont capables de stocker et distribuer chacune 3 tonnes de matière première ! La société utilise par ailleurs un robot de découpe laser de nuit comme de jour, pour préparer des plaques à usiner. “En quarante années, précise Thierry Moiraud, l’automatisation a permis de tripler le chiffre d’affaires”. Il s’élève à 4,7 M€. L’entreprise travaille principalement pour un constructeur de machines agricoles et des carrossiers industriels. Son P.-D.G. voudrait l’engager aussi sur le marché de la pompe à chaleur dans les prochaines années.